Recommandations
Utilisation des opioïdes forts dans la douleur chronique non cancéreuse chez l’adulte. Recommandations françaises de bonne pratique clinique par consensus formalisé (SFETD)Use of strong opioids in chronic non-cancer pain in adults. Evidence-based recommendations from the French Society for the Study and Treatment of Pain

https://doi.org/10.1016/j.lpm.2016.02.014Get rights and content

Résumé

Objectifs

Il est urgent d’améliorer l’efficacité et la sécurité d’utilisation des opioïdes forts dans les douleurs chroniques non cancéreuses (DCNC) grâce à des règles de prescription fondées sur les preuves scientifiques.

Méthodes

Les questions cliniques abordées ont été les suivantes : quelles indications, quels bénéfices, quels risques et quelles précautions prendre lors de l’utilisation des opioïdes fors dans la DCNC. Un groupe de travail pluridisciplinaire a élaboré des recommandations selon la méthodologie proposée par l’HAS. Une recherche systématique de la littérature a été effectuée sur CENTRAL, MEDLINE et EMBASE. Chaque recommandation a été évaluée selon la méthodologie GRADE.

Résultats

Vingt et une méta-analyses et 31 études de cohorte ont été sélectionnées. Quinze recommandations sont proposées. Les opioïdes forts ne sont pas recommandés dans la fibromyalgie et les céphalées primaires. Les opioïdes forts ont montré une efficacité modérée dans les DCNC de l’arthrose des membres inférieurs, des lombalgies et dans la douleur neuropathique. Leur introduction peut être proposée uniquement après l’échec des traitements de première intention associés à une prise en charge globale chez un patient informé des avantages et des risques. Il est déconseillé de poursuivre le traitement des opioïdes forts au-delà de trois mois en l’absence d’amélioration de la douleur, de la fonction ou de la qualité de vie. Il est également recommandé de ne pas prescrire des doses quotidiennes supérieures à 150 mg d’équivalent morphine. Les facteurs de risque de mésusage doivent être évalués avant l’introduction des opioïdes forts et le mésusage régulièrement recherché en cours de traitement. La priorité doit être donnée aux formes à libération prolongée. Les formes de fentanyl transmuqueux à libération immédiate sont à proscrire dans les DCNC.

Conclusion

Ces recommandations s’adressent à tous les médecins amenés à prescrire des opioïdes forts dans la DCNC.

Summary

Objectives

An urgent need is to improve the efficacy and safety of use of strong opioids in chronic non-cancer pain (CNCP) through responsible prescription rules supported by scientific evidence.

Methods

Clinical questions addressing the indication, the benefice, the risk and the precautions were formulated. A task force composed of physicians from several medical specialties involved in managing CNCP was charged to elaborate evidence-based recommendations. A systematic literature search was performed using CENTRAL, MEDLINE and EMBASE databases. The approach of the Grading of Recommendations Assessment, Development and Evaluation was applied to evaluate outcomes.

Results

We selected 21 meta-analyses and 31 cohort studies for analysis. Fifteen recommendations are provided. Strong opioids are not recommended in fibromyalgia and primary headaches. Strong opioids have been shown to be moderately effective against CNCP due to osteoarthritis of the lower limbs, and for back pain and neuropathic pain. Their introduction is advised only after the failure of first-line treatments, combined with patient care, provided that the patient is made aware of the advantages and risks. It is not advisable to continue strong opioids treatment for longer than three months if no improvement in pain, function or quality of life is observed. It is also recommended not to prescribe doses exceeding 150 mg/day morphine equivalent. Misuse risk factors should be investigated before prescription and misuse should be assessed at each renewal. Priority should be given to extended-release forms. It is recommended not to use transmucosal rapid-release forms of fentanyl for the management of CNCP.

Conclusion

These recommendations are intended for all doctors needing to prescribe strong opioids in CNCP.

Introduction

Depuis le premier rapport de 1994 en France sur la prise en charge insuffisante de la douleur [1], avec notamment une sous-utilisation des morphiniques, la prescription des antalgiques à base d’opioïdes a bien changé. Les indications de prescriptions se sont assouplies et se sont étendues aux douleurs chroniques non cancéreuses (DCNC) avec notamment en France les recommandations de Limoges portant sur les douleurs ostéoarticulaires publiées en 1999 et réévaluées en 2010 [2], [3]. La place des opioïdes a également été définie au sein des recommandations pour la prise en charge de la douleur neuropathique [4]. Cependant, le risque de mésusage et notamment d’addiction a fait l’objet de plusieurs publications alarmantes aux États-Unis et a relancé la controverse sur leur utilisation dans la DCNC [5], [6], [7], [8]. Déjà, les recommandations deviennent plus strictes aux États-Unis en raison du nombre de décès et de comorbidités engendrées par la mauvaise utilisation des opioïdes forts [9]. Cependant, une réglementation trop stricte risquerait de priver certains patients souffrant de DCNC réfractaires aux autres thérapeutiques, d’un traitement pouvant être bénéfique, entraînant un problème éthique. De ce fait, il devient à ce jour nécessaire d’aider à la bonne prescription d’opioïdes forts dans l’indication de la DCNC. La Société française d’étude et de traitement de la douleur (SFETD) se positionne donc avec ces nouvelles recommandations, afin d’améliorer l’efficacité et la sécurité de la prise en charge de nos patients avec une prescription scientifiquement étayée.

Section snippets

Objectifs des recommandations

L’objectif est de proposer des recommandations pour la prescription des opioïdes forts dans la DCNC de l’adulte, utilisables à la fois en ambulatoire et en milieu hospitalier. Ces recommandations ont pour mission de répondre aux deux questions suivantes :

  • quels sont les bénéfices et les indications des opioïdes forts dans les douleurs chroniques non cancéreuses ?

  • quels sont les risques et les précautions à prendre lors de l’utilisation des opioïdes forts dans les douleurs chroniques non

Résultats

Sur un total de 2704 articles identifiés, 21 méta-analyses, 31 cohortes et 7 études contrôlées randomisées (ECR) ont été sélectionnées (figure 1).

Conclusion

L’ensemble des preuves disponibles sur les bénéfices et les risques de l’utilisation des opioïdes forts au long court dans les DCNC met en évidence la nécessaire évaluation de la balance bénéfice/risque. Cette balance est propre à chaque individu et peut évoluer au cours du traitement (tableau VIII). Il est important de souligner que la prise en charge de la DCNC nécessite une prise en charge globale incluant les approches psychologiques et de rééducation physique. Certaines DCNC (arthrose des

Déclaration de liens d’intérêts

X.M. : interventions occasionnelles : expert/conférencier pour Astellas.

V.P. : interventions occasionnelles : expert/conférencier pour Grunenthal, Astellas/Abbot.

V.M. : interventions occasionnelles : expert/conférencier pour Astellas, Pfizer, Jansen.

Les autres auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

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