RecommandationsCadre nosologique et stratégie diagnostique de la myélite aiguë transverse longitudinalement étendueNosology and etiologies of acute longitudinally extensive transverse myelitis
Introduction
Depuis les premières descriptions des « myélites aiguës » en 1882 (Bastian, 1882), le diagnostic de myélite repose sur des critères cliniques, le suffixe « ite » désignant les affections médullaires d’origine inflammatoire, infectieuse ou paranéoplasique. Pour les affections médullaires de causes métaboliques, vasculaires, dégénératives ou traumatiques, le terme de myélopathie est préféré. Cette distinction lexicale reste d’usage encore aujourd’hui. Le qualificatif « aiguë » est ajouté lorsque le mode d’installation s’effectue sur quelques heures. La durée précise de l’installation des symptômes ou signes varie en fonction des auteurs : installation en plus de 48 heures mais moins de 3 semaines (Berman et al., 1981), nadir entre 4 heures et 3 semaines (Transverse Myelitis Consortium Working Group, 2002) ou aggravation maximale en 24 heures (Jeffery et al., 1993). Quelle que soit la définition utilisée, ces intervalles de temps permettent en théorie de s’affranchir des myélopathies vasculaires et traumatiques d’apparition soudaine, et des myélopathies métaboliques, dégénératives ou post-radiques d’apparition plus progressive et chronique. Néanmoins, un certains degré de chevauchement entre ces étiologies et leur mode d’installation peut exister en pratique, mettant ainsi en avant l’importance du contexte de survenue comme développé plus loin. Par la suite, le terme « transverse » a été ajouté et utilisé de façon équivoque par plusieurs équipes : « myélite transverse », « myélite transverse partielle », « myélite transverse complète », « myélite transverse extensive » ou « myélite longitudinale transverse extensive ». La multiplicité des termes employés prêtait à confusion et a conduit en 2002 à la publication d’un article de revue dans lequel les auteurs ont défini les myélites aiguës transverses idiopathiques par la présence d’un niveau sensitif à l’examen (Transverse Myelitis Consortium Working Group, 2002). Une définition complémentaire rapportant les spécificités cliniques de ce type de myélite en fonction de leur caractère complet ou partiel a été publiée en 2007 (Scott, 2007) et est rappelée dans le Tableau 1. L’ensemble de ces définitions concernant la myélite transverse est clinique, aucune définition radiologique de ces termes ou même aucune corrélation clinico-radiologique n’ayant été rapportée depuis lors. Cependant, l’individualisation récente de la neuromyélite optique (NMO) après la découverte des anticorps anti-aquaporine-4 (anti-AQP4) en 2004, a révélé la valeur prédictive diagnostique et pronostique péjorative de l’extension longitudinale d’une myélite, définie en IRM par un hypersignal T2 étendu sur au moins 3 métamères dans le plan longitudinal (Wingerchuk et al., 2006). Cette donnée, intégrée dans les critères diagnostiques de la NMO depuis 1999, prend plus d’importance encore en 2006 puis 2008 (Wingerchuk et al., 2006 ; Wingerchuk et al., 1999 ; Miller et al., 2008). Les termes anglo-saxons utilisés pour décrire la myélite de la NMO sont alors « myélite extensive », « myélite transverse extensive » ou encore « myélite longitudinale transverse extensive ».
À cette forme particulièrement étendue de myélite aiguë s’oppose le cadre nosologique des myélites partielles, caractérisées par une lésion médullaire focale dans le plan transversal, souvent triangulaire à base externe (de Seze et al., 2001). La première cause de ce type de myélite est la sclérose en plaques (SEP), une myélite étendue dans les plans transversaux ou longitudinaux n’étant observée dans cette pathologie que dans moins de 1 % des cas (Scott, 2007). Le terme consacré de « myélite aiguë partielle » est également rapporté sous l’appellation « myélite aiguë partielle transverse », ajoutant encore plus à la confusion qui existe autour de ces différents termes. Par la suite, la confrontation de ces deux entités en terme de diagnostic et de pronostic a placé l’IRM médullaire en première ligne des examens complémentaires. Cet examen, devenu un élément incontournable de la réflexion stratégique clinique et thérapeutique, doit désormais être réalisé rapidement en cas de suspicion d’atteinte médullaire.
Par conséquent, l’utilisation de plus en plus courante de l’IRM médullaire en coupes sagittales et axiales ainsi que la valeur diagnostique et pronostique de la myélite étendue dans le domaine des pathologies inflammatoires du système nerveux central (SNC) nécessitent de reconsidérer le cadre nosologique des myélites aiguës transverses longitudinalement étendues (MATLE) afin de guider au mieux le clinicien dans sa démarche diagnostique.
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Méthode
Un consortium d’experts dans le cadre du projet Nomadmus a réuni différents spécialistes de la NMO et des pathologies médullaires. La première étape a consisté à définir le cadre nosologique de la MATLE. Ensuite, il a été demandé à chaque expert représentant les villes de Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Paris, Strasbourg et Toulouse de proposer une démarche diagnostique face à une MATLE. Les différentes propositions ont alors été discutées au sein du groupe. Dans un second temps un comité
Définitions cliniques
La sémiologie d’une myélopathie se définit par un syndrome sous-lésionnel correspondant à une somatotopie médullaire, souvent caractérisée par une distribution bilatérale des signes pyramidaux ou sensitifs, un niveau sensitif franc ou une atteinte sphincterienne ou thermoalgique isolée. Un syndrome lésionnel signe l’atteinte radiculaire : principalement observé dans les causes compressives ou tumorales, il est souvent absent dans les autres cas. Enfin un syndrome rachidien caractérisé par une
Conclusion
L’individualisation récente de la NMO a permis de souligner la valeur diagnostique majeure de la MATLE. Elle n’est qu’exceptionellement révélatrice d’une SEP. Ces données soulignent l’importance de réaliser une IRM avec des plans sagittaux et axiaux. Les étiologies infectieuses/para-infectieuses, inflammatoires ou paranéoplasiques relèvent, elles, d’une prise en charge spécifique. Elles sont suspectées devant un contexte clinique évocateur et les résultats des examens complémentaires de
Déclaration d’intérêts
Les auteurs B. A., D. L., R. M., F. C., et F. D. D. déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
N. C. déclare avoir reçu des honoraires comme consultant ou pour des présentations de Biogen Idec, Almirall, Novartis, Merck-Serono, Teva Pharma et fait parti du comité éditorial du journal de la ligue française contre la sclérose en plaques.
Caroline Papeix déclare avoir reçu des honoraires comme consultant ou pour des présentations de Bayer-Schering, Biogen Idec,
Remerciements
Cette étude a bénéficié du soutien de l’Agence nationale de la recherche française dans le cadre des investissements d’avenir référencé ANR-10-COHO-002 (Nomadmus et Ofsep).
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First clinical inflammatory demyelinating events of the central nervous system in a population aged over 70 years: A multicentre study
2019, Multiple Sclerosis and Related DisordersCitation Excerpt :Interestingly, although LO-MS are often progressive (Sanai et al., 2016; Collongues et al., 2014a), real RRMS with clinical and radiological activity may still occur in the elderly. Although 7 VLO-CIS patients remained unclassified at the end of the study, the main finding is the over-representation of non-MS disorders in this cohort of VLO-IDE, especially the NMOSD ratio of 2.5:1, as compared with 50:1 in younger subjects (Krumbholz et al., 2015; Collongues et al., 2014a; 2014b). Ischemic attacks are common in older adults.
Myelitis in systemic lupus erythemato-sus: Two new cases
2015, Revue NeurologiqueEvolution of Devic's neuromyelitis optica spectrum disorders
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2014, Pratique Neurologique - FMC
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Le groupe Nomadmus est constitué de : Al Khedr Abdullatif (Amiens), Bertrand Audoin (Marseille), Bertrand Bourre (Rouen), David Brassat (Toulouse), Bruno Brochet (Bordeaux), Philippe Cabre (Antilles françaises), Philippe Camdessanche (Saint-Étienne), William Camu (Montpellier), Olivier Casez (Grenoble), Giovanni Castelnovo (Nîmes), Michel Clanet (Toulouse), Pierre Clavelou (Clermont-Ferrand), Nicolas Collongues (Strasbourg), Christian Confavreux (Lyon), François Cotton (Lyon), Marc Coustan (Quimper), Alain Creange (Créteil), Patrick Davous (Argenteuil), Gilles Defer (Caen), Nathalie Derache (Caen), Jérôme De Seze (Strasbourg), Marc Debouverie (Nancy), Frédéric Dubas (Angers), Gilles Edan (Rennes), Olivier Gout (Paris), Anne-Marie Guennoc (Tours), Olivier Heinzlef (Poissy), Philippe Kerschen (Creteil), Pierre Labauge (Montpellier), David Laplaud (Nantes), Christine Lebrun-Frenay (Nice), Emmanuelle Lepage (Rennes), Catherine Lubetzki (Paris), Olivier Lyon-Caen (Paris), Laurent Magy (Limoges), Romain Marignier (Lyon), Serge Mrejen (Clichy), Thibault Moreau (Dijon), Jean-christophe Ouallet (Bordeaux), Caroline Papeix (Paris), Jean Pelletier (Marseille), Bruno Stankoff (Paris), Ayman Tourbah (Reims), Jean-Michel Vallat (Limoges), Patrick Vermersch (Lille), Sandra Vukusic (Lyon), Sandrine Wiertlewski (Nantes) et Hélène Zéphir (Lille).